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Je n’ai pas d’enfant et la vie me mets régulièrement sur ma route des femmes enceintes avec lesquelles nous échangeons longuement sur ce qu’elles traversent. Je les aide si souvent à trouver les mots qu’elles s’autorisent enfin à prononcer.
À fleur de peau, hormonalement en éveil et physiquement chamboulée – bien qu’offrant la vie avec une telle grâce – le corps d’une femme est effectivement mis à l’épreuve.
Je suis presque en mesure de les comprendre. Croyez-moi, pendant mes lunes et après un repas de famille interminablement copieux – qui m’obligeait par le passé à défaire les boutons de mon pantalon et m’allonger sur le canapé pour ne plus sentir les désagréments dans mon corps – il y avait de quoi se projeter dans ce cas de figure. (La phrase est longue à lire, comme une longue digestion et un ballonnement menstruel…)
Je gonflais volontairement mon ventre le temps de quelques respirations ; forme qui aurait pu me faire passer en priorité à la caisse du supermarcher.
Blague à part, j’avais la conscience que je souhaitais d’abord m’accomplir en tant que femme avant d’envisager être mère, et me trouvais toutes les excuses pour repousser cette éventualité.
Les années sont passées, dans le confort de ma liberté de mouvement, avec des anciens compagnons qui ne voulaient pas être pères. Et à ce jour, à presque 40 ans, sans aucune souffrance d’entendre les gongs de mon horloge biologique sonner de plus en plus bruyamment, je me reconnecte à l’énergie créatrice sous toutes ses formes…
Je me sens mère à ma manière, dans ce corps de femme qui n’a jamais été à l’aise avec l’ordre des choses et qui aime pourtant tous les enfants de la terre avec une conscience maternelle puissante.
J’ai donné naissance à ma propre féminité avec émotion lors d’expériences de réconciliation avec mon histoire.
J’ai ai fait de même avec des projets dont le processus de création était comparable à un accouchement.
Je suis renée à moi-même à chaque cycle de ma vie, laissant une part de moi s’évacuer comme un liquide amniotique libérateur pour permettre à la nouvelle Moi d’apparaître avec fluidité.
Donner vie, autrement…
Quand j’ai su que c’est justement la douleur qui envoie dans le corps de la mère et de l’enfant des beta-endorphines, (l’anesthésie inhibant la douleur chez la mère et laissant l’enfant dans sa propre souffrance…), je me suis dit qu’il en était de même pour tout projet qui prend aux tripes.
La douleur est un passage et la péridurale mentale m’empêche de sentir les contractions de mes propres transformations. Elle est probablement un chemin de pur dépassement de soi pour faire jaillir le désir vicéral de donner vie à une extension de soi, par soi. J’ai donc eu l’impression, à chaque projet créatif aussi réjouissant que souffrant, d’appuyer sur le bouton « shoot d’hormones bienfaisantes à gogo » pour me donner envie, encore et encore, de continuer à laisser la Création tout entière tourbillonner en moi.
Pourquoi être en contact avec l’eau quand on a besoin de retrouver de la légèreté, me dirais-tu ?
Peut-être parce que nous sommes composés en majorité d’eau et qu’il se passe toujours quelque chose de révélateur quand on se trouve dans un espace familier.
Quand mes pensées sont lourdes et troubles, je vais flotter à Namaka dans le bassin en forme de cocon.
Pour les bienfaits du magnésium mais aussi pour me sentir enveloppée par la forme symbolique de ce bassin car il y a des fois dans la vie, tu as juste envie de te laisser être, sans rien faire et plonger dans ton propre espace intime.
Je me sens alors foetus dans le ventre de la vie.
J’imagine ensuite les conditions douloureuses de ma naissance.
Je visualise alors ma mère qui a subi une césarienne en urgence après un décollement du placenta.
Je regarde aussi les blessures de ma féminité.
Et puis, je me rappelle le tressaillement de joie à l’annonce de la grossesse d’une de mes soeurs, du premier contact tendre avec les enfants de mes amis et de mon admiration pour ces papas-poules nouvelle génération qui donnent le biberon comme si c’était leur propre sein.
Dans le noir complet, j’entrevois la lumière du don de la vie…
Avec les leds de couleurs du bassin qui se réactivent pour indiquer que l’expérience touche à sa fin, je pense à toutes ces femmes qui viennent retrouver à Namaka douceur et sérénité le ventre rond.
JE RÉSERVE MA FLOTTAISON
Je pense à ces couples qui, en venant flotter ensemble, recherchent la connexion avec ce petit être qui s’apprête à venir dans ce monde qui ne tourne pas toujours rond.
Je pense à ces moments qui me font tourner en rond.
Je pense… je pense… non je panse… je panse les blessures de cette humanité qui est invitée à renaître à elle-même.
Par ma propre guérison de femme sans enfant, je contribue à ma manière à l’émergence de cette conscience nouvelle : nous sommes créateurs, non pas parce que nous pouvons créer potentiellement la vie, mais parce que nous sommes l’expression de la vie elle-même dans son propre cycle de création universelle. Et dans cette ronde, telle une danse harmonieusement divine, tout le monde a sa place… main dans la main…
Céline Hoareau
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